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Pub, progrès et éducation

J’accueille avec plaisir une nouvelle collaboratrice sur VivelaPub ! Intervenante culturelle, E.M. est passionnée de communication éducative. De formation humaniste et philosophique, cette ex-enseignante sensible à la créativité sous toutes ses formes et à l’esprit critique nous apporte ici sa première contribution sur les liens reliant la publicité avec le progrès et l’éducation.

« Pub » et « progrès » n’auraient en commun que leur initiale ? Peut-être pas, si l’on prend le mot « pub » au sens large ou si l’on se consacre, avec le champion M. Propre, à un « nettoyage de printemps » collectif… faisant briller ce qui nous fait du bien.

Eh oui : nettoyer pour mieux trier. Car on se passerait bien, par exemple, de certaines pubs radio, martelant leurs saynètes aux intonations ultra-expressives et hyper-emphatiques. Ou de la franche vulgarité de certaines annonces tout-support particulièrement décomplexées, et de leurs conséquences.
À Lyon, le collectif Plein la vue a organisé en mars dernier une journée de marche pour « résistance à l’agression publicitaire » : pour notre santé, prenons garde à ne pas trop dépenser mais aussi, bien sûr, à ne pas « dé-penser » ! Préservons notre pensée de tout conditionnement abusif.

Mais à contre-courant d’un style invasif et de certaines fausses valeurs (culte du pouvoir, de l’apparence, de la performance…), on trouve encore – sur un plan didactique mais pas seulement – ces « autres pubs », alertant d’abord sur les excès de notre société de profit, ou de notre économie de marché, globalisée et incontrôlée.

Être ou avoir ? Vivre ou se laisser vivre (dans des chambres ultra chargées en objets utiles et inutiles) ? Ce sont les principales problématiques que propose à la réflexion le manuel lycée New Meeting Point, classes de Première :

Il n’est jamais trop tôt pour être sensibilisé et éduqué aux bonnes causes… Le Conseil de la Communication espagnol a lancé à destination de ses jeunes une très belle campagne d’encouragement à la lecture (20 minutes par jour au minimum…) : Leer para aprender. Des messages de « résistance » attrayants, aux multiples visages, afin que tous puissent se reconnaître et se lancer dans cet exercice fondamental.

Préférons l’être au paraître. Lisons, pour bien penser avec notre cabeza !

Un piercing te donne un air intéressant, lire fait de toi  quelqu’un d’intéressant. Ce qui compte est dans ta tête. Lis 20 minutes par jour.

« Chapeau ! » à ces conseils pas comme les autres ! Ou plutôt « serpent ! », si l’on complète avec cette annonce mexicaine, toujours pro-lecture : contre apparences et illusions du quotidien, rien de mieux qu’un bon livre et qu’un peu de poésie pour affiner sa compréhension du monde, le Petit Prince aidant…

Si tu vois un chapeau, tu as besoin de (savoir) lire.

Aucune allusion en revanche, pour lire et saisir – toujours pour une très bonne cause – le message de cette campagne multilingue (exemple ci-après en langue française) qui appelle à la responsabilité par le sourire, de manière simple, délicate et vivante. Et alors… les personnes trisomiques savent nous conquérir 🙂

Et c’est sur sur le handicap en général, mais aussi sur les violences contre les femmes, le racisme et les abus de toute sorte, que porte le travail d’Alessandro Palombo. L’artiste transalpin rappelle le poids de l’éducation et de la culture contre toute « régression sociale et culturelle ».

Dessin et imaginaire, fable et récit. Grâce à une éducation qui, par ce langage aussi, ose se heurter à la réalité ou à une Histoire bien trop cruelle pour qu’on prenne le risque de la reproduire aveuglément, les jeunes ont les moyens pour comprendre et agir à leur niveau, avec force et conviction. Nul besoin de fable ni de récit dans la pub pour le progrès que voici, toujours au nom de l’égalité de la dignité des personnes.

Presque par la seule force de l’image, à travers ce regard intense et ce visage qui commence à voler en éclats (visage qui pose et impose le respect, comme le soulignait le philosophe Emmanuel Lévinas) nous savons que « les mots peuvent tuer ». Soit détruire ou fragiliser celui que l’on maltraite pour ses petites ou prétendues grandes différences. Sans même prendre le temps de le connaître.
D’autre part, pas besoin d’être noir ou handicapé pour subir : la souffrance au travail compte, hélas, parmi les plus grands maux de notre époque. Illustration par une affiche du syndicat canadien de la fonction publique, dénonçant la gravité du harcèlement moral au travail, et le manque de soutien des collègues. Pressions, humiliations, et pas de véritables sanctions contre les harceleurs…

Harceleurs qui jouent sur la résistance psychique de leurs victimes ! La santé mentale : un domaine dans lequel on assiste en France à de timides avancées, sur les pas du Canada. Remarquez ces choix graphiques et esthétiques, porteurs d’espoir (orange enveloppant une montgolfière, idée de sérénité) et illustrant pour le Québec les pratiques du « voir autrement ». Nouveaux regards, nouveaux horizons donc, pour cette campagne annuelle de promotion de la santé mentale 2019-2020.

Dans un autre registre, et théoriquement en bon état de santé mentale, les hommes peuvent pourtant se montrer bien cruels lorsqu’il s’agit de leurs animaux de compagnie, abandonnés sur la route sans scrupule. Pub-progrès et campagnes de sensibilisation-éducation nous rappellent aussi cette barbarie des pays dits civilisés. Exemple saisissant en langue italienne, avec cette publicité ministérielle ayant toute sa place en classe de langue, à partir – pourquoi pas ? – de l’étude de l’impératif :

Et toi, de quelle race es-tu ? Humaine ou inhumaine ? Laisse-moi chez un proche, laisse-moi chez un ami (…) mais ne me laisse pas sur la route. Penses-y. Abandonner un animal est un délit.

Leur existence n’était pas inconnue des passionnés de pub et des curieux… Mais ces « pubs » lumineuses, qui dénoncent moult injustices avec espoir, créatives en toute conscience et intelligence, méritent d’être davantage découvertes et étudiées. Leurs moyens formels sont souvent ceux des pubs traditionnelles, mais elles nous interpellent pour une bonne cause. À partir d’un thème ou d’un mot clé, n’hésitez pas à aller à leur rencontre au fil du web. Sélectionnez vos préférées, puis partagez « à fond » leur valeur humaine et appréciez la réflexion collective et précieuse que ces messages représentent, ainsi que leur esprit de synthèse.
Et, pourquoi pas, réservez une place à part à ces pubs commerciales rappelant avec humour et simplicité toute la beauté (et la bonté !) de notre patrimoine artistique (ou gastronomique)…

En somme, « dévorons » – ou plutôt savourons, si possible – ce qui mérite d’être apprécié ou valorisé. Avec autant de goût que de mesure, et avec autant de respect que d’attention à Autrui, si différent, semblable et proche à la fois. Apprenons tous, dans un même élan, à mieux lire les pubs en détectant leurs excès ; et à mieux lire tout court, pour penser par nous-mêmes et comprendre davantage notre univers ultra-médiatique. Soyons poètes avertis au milieu du tout-marketing et du tout-management. Des hommes et des femmes solidaires, fidèles à leurs vraies valeurs et à l’esprit du Petit Prince ou peut-être d’un certain Caliméro, digne représentant transalpin de l’innocence narrative des anciens spots Carosello.
Icône de l’antiracisme et de la non-arrogance, notre attachant poussin noir aux grands yeux bleus, né en ’63 du crayon de Nino et Toni Pagot, transcende à merveille toute marque, époque ou origine, pour mieux sourire, se désespérer ou se réjouir. Toujours pour une bonne raison (ou pour une bonne cause !) et avec une tendresse infinie…

E.M

Un commentaire (+ajouter le votre ?)

1. Marie-Elise - 01 Juin 2020 à 15:11:27

   Et… à propos de messages « pour la bonne cause » comme la lecture, voici ce que le petit écran peut encore promouvoir en commençant par ces mots:
   « Lire c’est comprendre, découvrir et voler avec notre imagination… »
   (spot RAI 2020 « Il Maggio dei Libri ») :
   https://youtu.be/KiyvCjkhFD0
   Tout n’est pas perdu…
   LaCulturelle

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